La recherche plastique de Tali Gai naît d’une rencontre avec des lieux qui marquent l’esprit et incitent à un quête. Ses œuvres, aux multiples couches temporelles, font resurgir les profondeurs du passé.
A partir de photographies trouvées, marquées par le temps, témoignages du passé, l’artiste développe un travail graphique et pictural. Elle en cache des parties, en révèle d’autres. Elle les poussent ainsi à la limite créant un décombre, où peut émerger un futur événement. Dans la matière picturale, là où le blanc et le noir se rejoignent, apparaissent de subtiles nuances colorées. Un mirage surgit. Un autre paysage apparaît. Comme des taches de rorchach, ces formes ouvrent un espace de projection, une image mentale. Le spectateur se plonge dans un inquiétant abîme temporel. Cette métamorphose de l’image crée un trouble, une ambiguïté. D’une représentation, la photographie devient alors signe et livre les failles du passé enfoui et l’image apparaît comme symptôme des paradoxes de l’histoire.
Peintre qui crée des images, Tali Gai accentue également la force de son travail en explorant, par un jeu d’assemblage, la mise en espace de ses œuvres et l’accrochage de ses toiles. Chaque peinture est peinte sur plusieurs toiles et permet, tel un puzzle, plusieurs combinaisons possibles. Ce qui ouvre de nouveaux récits. Le vide formé, point de mire entre chaque toile évoque un trou, une blessure. En dédoublant les images d’archives, et par le dessin, l’artiste aboutie à une nouvelle image abstraite, complexe. Un sentiment d’inquiétante étrangeté apparaît. Par ce jeu de décomposition, recomposition, Elle souligne la double vie des constructions de l’histoire et interroge l’absurdité des rôles dévolus à certains lieux, symboles d’un fait passé.
Aussi bien dans les sujets représentés, dans les formes peintes, que dans le dessin, en miroir, dédoublé, répété, s’expriment la résurgence des faits historiques et les troubles qu’ils produisent sur notre perception des territoires.
Si ses œuvres proposent une réflexion sur la force de l’image photographique, Tali Gai témoigne également de la relation corporelle et émotionnelle au contact des lieux marqués par le trauma d’une histoire qui se répète. De ses explorations des sites, elle recherche la source du passé, là où l’histoire se réécrit. En allant au plus profond creuser et rajouter des couches à l’image, telle une archéologue, elle fait remonter les non-dits cachés des lieux. Elle met ainsi en évidence notre besoin de réactiver l’histoire. La photographie, objet qui nous rattache à un événement, met en lumière un éternel retour de l’histoire. L’artiste, dans cette quête, touche ainsi à la fois la mémoire collective et la mémoire individuelle.
Pauline Lisowski